B2: Les “begpackers”, ces touristes blancs qui font la manche en Asie du Sud-Est(CE)

“Les voyages forment la jeunesse.” Connaissez-vous cette expression? Les nouveaux modes de vie ont permis à de nombreux jeunes occidentaux de voyager autour du monde. Pour certains, voyager c’est sortir des sentiers battus et ne pas faire du tourisme classique. Connaissez-vous les begpackers?

Lisez l’article suivant (publié 07/04/2017) et répondez aux questions de compréhension.

Les “begpackers”, ces touristes blancs qui font la manche en Asie du Sud-Est

En Malaisie ou à Hong Kong, en Thaïlande ou à Singapour, des internautes des pays d’Asie du Sud-Est s’étonnent, images à l’appui, de voir émerger un nouveau phénomène dans leurs pays : des touristes blancs font la manche(1) dans les rues de leurs villes… afin de financer leur voyage. Certains jugent ce comportement étrange, mais d’autres s’indignent carrément de ce manque de respect.

Ils ont hérité du surnom de “begpackers” (un jeu de mot dérivé du terme “backpackers”, qui désigne les voyageurs avec de gros sac à dos, le verbe “to beg”, qui signifie “mendier” en anglais). Ces jeunes touristes occidentaux ont en général entrepris de longs voyages avec souvent un budget limité et se retrouvent incapables de poursuivre leur route. Et du coup, certains n’hésitent pas à jouer de la musique dans la rue ou à vendre des babioles pour financer la suite de leur voyage en Asie, autour du monde, ou leur billet de retour chez eux.

“Je voyage en Asie sans argent. Merci de soutenir mon voyage.” Photo prise à Hong Kong et postée par Rama Kulkarni sur le site gal-dem.

Et quelques mètres plus loin, un couple chante pour financer également son voyage.

“Ceux qui mendient sont vraiment dans le besoin, ils ne le font pas pour quelque chose considéré comme un luxe”

Ces jeunes gens ne semblent pourtant pas être dans le besoin : ils ont un appareil photo sophistiqué, un amplificateur… Une des raisons pour lesquelles la scène n’a pas manqué d’interpeller Maisarah Abu Samah, la jeune Singapourienne qui a pris ces photos :

J’ai été très étonnée, c’est la première fois que je vois ça. D’abord, chanter ou vendre des babioles(2) dans la rue est soumis à une réglementation très stricte à Singapour, ce qui rend la chose rare. Ensuite, on voit plutôt ces gens dans le centre-ville et pas dans la station de bus d’un quartier où vivent plutôt des classes moyenne, comme c’est le cas ici. Et puis surtout, je n’avais pas jamais vu des Blancs faire ça !

Pour nous, c’est très bizarre, on ne comprend pas qu’on puisse demander de l’argent aux autres pour voyager. Mendier n’est pas un acte très valorisant, ceux qui le font sont vraiment dans le besoin : c’est pour acheter de la nourriture, payer leur scolarité ou celle de leurs enfants, rembourser des dettes… Mais pas pour quelque chose qui est considéré comme un luxe !

Les voyageurs font aussi la manche sur la toile (3). Sur Internet s’est développé le phénomène du “travel porn”, une mode sur les réseaux sociaux, les blogs de voyage et les émissions télé dont le but est de faire rêver à des destinations du bout du monde. Dans cette tendance, les backpackers étaient en bonne place, se présentant comme les ennemis du tourisme de masse et des voyages organisés. Mais cette image d’aventuriers en quête de nouveaux horizons commence à se dégrader et laisse place à celle d’Occidentaux en mal d’authenticité, qui cherchent à voyager à moindre frais, quitte à passer pour des profiteurs.

“L’Asie est réduite à un lieu exotique où ce genre d’attitude est tout à fait admis”

Pour Luise, une jeune Malaisienne diplômée en économie politique et études de genre, ce comportement montre bien le déséquilibre qui existe toujours entre les pays occidentaux et les anciennes colonies asiatiques :

Pour moi, il y a une attitude orientaliste de la part de ces voyageurs qui considèrent l’Asie comme un lieu exotique et de découverte spirituelle. Cela réduit notre continent à une caricature, celle d’une terre mystique et d’un lieu d’aventures. Autrement dit, j’ai le sentiment que nous sommes un terrain de jeux pour les Blancs, où ce genre d’attitude est banalisée comme si elle devait faire partie de l’expérience, de la découverte de soi. Parfois j’ai envie de leur demander : qu’est-ce qui vous fait croire que ce genre de comportement est normal en Asie ? Pourquoi vous ne faites pas la même chose chez vous ?

“Si ces touristes n’avaient pas été blancs…”

Malheureusement, il y a toujours dans nos pays un comportement raciste et discriminant envers les personnes non blanches, tandis que les Blancs sont idolâtrés. C’est à mon sens un héritage colonial. Si ces touristes qui font la manche n’avaient pas été blancs, ils auraient eu droit à un tout autre traitement. Il n’y a qu’à voir comment on se comporte avec les migrants non-blancs ici, qui sont, eux, méprisés.

Dans une période où le débat sur l’immigration bat son plein, je trouve complètement fou que les gouvernements des pays occidentaux soient si stricts envers les étrangers, qu’ils exigent que les migrants puissent apporter une véritable “contribution à l’économie locale”, alors que leurs propres ressortissants peuvent voyager où ils veulent sans que l’on ait la moindre exigence économique à leur égard.

Ce nouveau phénomène du “begpacking” prouve pour moi que l’industrie du tourisme dans les pays du Sud est problématique : elle nourrit le mythe du “bon sauvage”, une personne non-blanche, gentille et bien intentionnée mais pauvre et ignorante qui ne cherche qu’à rendre service à l’homme blanc et l’accueillir comme il se doit dans son pays.

Source: https://observers.france24.com/fr/20170407-begpackers-ces-touristes-blancs-mendiant-manche-tour-monde-asie-backpackers

(1) faire la manche = mendier
(2) une babiole = un petit objet sans valeur
(3) la toile = net = internet

Questions de compréhension:

"(...) je trouve complètement fou que les gouvernements des pays occidentaux soient si stricts envers les étrangers, qu’ils exigent que les migrants puissent apporter une véritable "contribution à l’économie locale", alors que leurs propres ressortissants peuvent voyager où ils veulent sans que l’on ait la moindre exigence économique à leur égard." Le subjonctif présent