La pratique régulière reste le meilleur moyen pour acquérir du lexique, améliorer sa capacité de compréhension et la rapidité de lecture. Je vous invite donc à lire la presse francophone le plus régulièrement possible.
Voici des exercices pour entrainer votre lecture à partir de documents authentiques.
Exercice 1: l’effet Matilda
Connaissez-vous Jocelyn Bell? Ou Marthe Gautier? Ces femmes ont marqué la science mais n’ont pas été reconnues pour cela. C’est ce que l’on appelle l’effet Matilda. Je vous invite à en découvrir plus sur ce phénomène qui tend à effacer les scientifiques femmes de notre Histoire.
Lisez l’article de Cécile Andrzejewski et répondez aux questions de compréhension.
Par Cécile Andrzejewski
Avez-vous déjà entendu parler de Marthe Gautier ? C’est elle qui a décelé la Trisomie 21, mettant au jour la présence d’un chromosome supplémentaire chez les personnes atteintes. Pourtant, cette découverte a été attribuée à un homme, qui l’a lui-même annoncé, seul, lors d’un séminaire de recherche au Canada en 1958.
Et Rosalind Franklin ? En 1962, le prix Nobel de médecine est remis à trois hommes pour leurs travaux sur la structure en double hélice de l’ADN. Or, Rosalind Franklin y a largement contribué, mais son nom a été complètement effacé des toutes les études et publications autour de cette découverte.
Autre oubliée du Nobel, Jocelyn Bell. Elle a découvert les pulsars, ces sources de rayonnement électromagnétique par hasard, lors de recherches pour sa thèse. Contre l’avis de son directeur, elle continue de travailler sur le sujet, mais c’est lui, et un autre scientifique, qui seront récompensés de la prestigieuse distinction en 1974.
Hedy Lamarr, elle, inventa avec un ami, au cœur de la Seconde guerre mondiale, un système de transmission dont on récolte encore les fruits aujourd’hui, notamment au travers du Wifi, de la téléphonie mobile ou du GPS. Les inventeurs auront bien essayé de vendre leur idée à l’armée américaine, mais celle-ci la refuse, avant de l’appliquer vingt ans plus tard lors de la crise cubaine. Ce n’est qu’en 1997 que le travail d’Hedy Lamarr est reconnu.
Ce n’est pas un hasard si toutes ces femmes ont été effacées. Elles ont été victimes de ce que l’historienne des sciences Margaret Rossiter appelle l’effet Matilda, soit la réappropriation des découvertes scientifiques féminines par des hommes. De la spoliation de leur travail, tout simplement. Au départ, la chercheuse s’est intéressée à l’effet Matthew, qui fait attribuer à des scientifiques de renom des travaux qu’ils n’ont pas réalisés, au détriment de leurs collaborateurs. Et Margaret Rossiter remarque que ce phénomène concerne surtout… des femmes.
Les femmes en général n’ont pas le crédit qu’elles méritent en termes d’accomplissement.
Interrogée par France Culture pour l’émission « la méthode scientifique » consacrée à ces découvreuses et inventrices sciemment rayées de l’histoire, elle explique qu’il s’agit d’un mouvement global. « Les femmes en général n’ont pas le crédit qu’elles méritent en termes d’accomplissement. Cela reste un mystère de voir à quel point elles s’investissent mais ne sont pas prises au sérieux », regrette-t-elle, soulignant l’aspect politique de cet effacement des réussites féminines.
L’historienne spécialiste de l’histoire des femmes Michelle Perrot ne dit pas mieux, dans la préface de l’ouvrage du collectif Georgette Sand « Ni vues, ni connues » (éditions Hugo Doc), pointant une histoire « aveugle, qui ne connaît que les ‘Grands Hommes’. (…) En général, il s’agit moins d’une conspiration consistant à cacher délibérément la découverte, l’antériorité, le rôle d’une femme dans un processus d’innovation ou de pouvoir, que d’une omission, d’une négligence tellement coutumière qu’elle devient pratique quasi systématique. »
Maigre consolation : ces invisibilisées sont désormais de plus en plus réhabilitées. Ainsi, après avoir été oubliées pendant de longues années, les « Figures de l’ombre », Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan, ont été mises à l’honneur dans un film éponyme, rappelant le rôle central des travaux de ces trois femmes noires dans les avancées de la Nasa.
De même, Suw Charman-Anderson, une pionnière des réseaux sociaux au Royaume-Uni et nommée parmi les « 50 Britanniques les plus influents en matière de technologie » par le Daily Telegraph, a créé en 2009 le Ada Lovelace Day. Un hommage à la mère des algorithmes, dont les travaux des années 1850 sont à la base de ceux d’Alan Turing mais qui a été longtemps effacée elle aussi, afin de célébrer les femmes travaillant dans les sciences et la technologie. You go, girls !
Questions de compréhension:
Exercice 2: L’écriture inclusive: comprendre le débat
Avez-vous appris qu’en français le masculin l’emporte sur le féminin? La grammaire française valorise le genre masculin pour accorder les pluriels. Aujourd’hui, cette règle est remise en cause et certains voudraient imposer l’écriture inclusive. Je vous invite à lire cet article du 25/02/2021 pour mieux comprendre ce débat.
Lisez l’article et répondez aux questions de compréhension.
Par Elie Julien Le 25 février 2021 à 13h29, modifié le 25 février 2021 à 15h07
C’est un sujet qui oppose, depuis plusieurs années, les générations et les élus. Le député (LREM) de l’Indre, François Jolivet, vient de déposer une proposition de loi visant « l’interdiction de l’usage de l’écriture inclusive pour les personnes morales en charge d’une mission de service public ». Il est soutenu par 60 députés de la majorité mais aussi de l’opposition. Selon eux, cette écriture « n’est pas comprise de tous » et génère notamment « des difficultés pour les malvoyants ». Retour sur un débat passionné.
Cette proposition a été enregistrée par la présidence de l’Assemblée nationale ce mardi. En plus de François Jolivet (LREM), on retrouve le nom de 60 députés, certains de la majorité, d’autres exclus de celle-ci mais aussi des membres de l’opposition.
Tout en commençant par un « Mesdames, Messieurs », qui relève d’ailleurs de l’écriture inclusive, le député de l’Indre propose que soit interdite « dans les documents administratifs, l’usage de l’écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ». Ainsi, cela s’appliquerait « aux documents produits par les administrations et par les organismes et personnes chargés d’une mission de service public ».
Dans leur viseur, les parlementaires s’offusquent de l’usage dans des publications officielles de « mots nouveaux » comme « iels » pour « ils/elles », « toustes » pour « tous/toutes », « celleux » pour « celles/ceux », « Cher·e·s lecteur·rice·s déterminé·e·s ». Ils jugent que ce chemin pour l’égalité entre les femmes et les hommes est « déroutant ».
Pour les défenseurs de ce texte, se basant sur des experts, l’écriture inclusive génère des difficultés pour les dyslexiques mais aussi les malvoyants pour qui « les dispositifs de lecture qu’ils utilisent sont inopérants ».
Si on ne sait pas encore lorsque celle-ci sera débattue, on peut rappeler qu’en juillet dernier, Marine Le Pen et les députés du Rassemblement national avaient déposé une proposition de loi très proche de celle-ci. Elle n’avait pas été retenue.
Pour le moment, aucun texte ne contraint celles et ceux qui veulent écrire autrice ou pompière, voire étudiant.e.s. Pour autant, la proposition de loi utilise un avis officiel de l’Académie française, d’octobre 2017, qui alertait d’une possible « confusion qui confine à l’illisibilité ».
Car ce débat est apparu au cœur de la sphère politique en 2017 lorsque les éditions Hatier ont publié un manuel scolaire rédigé en écriture inclusive. Le gouvernement semblait alors contre son utilisation Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, ne souhaitait pas que l’écriture inclusive soit utilisée dans les manuels scolaires. Le Premier ministre Édouard Philippe signait une circulaire qui recommandait de ne pas l’utiliser dans le Journal officiel.
Marlène Schiappa, alors Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, jugeait « problématique » la volonté de changer les règles d’accord des adjectifs au profit de « l’accord de proximité », dont 314 professeurs de français réclamaient le retour dans une pétition publiée sur Slate.fr.
Ce mercredi, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement a balayé le sujet et estimé «important de se consacrer aux priorités de notre pays», citant notamment la crise sanitaire, la crise économique ou encore la lutte contre le séparatisme. Plus tôt, la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, avait également estimé sur LCI qu’il y avait «d’autres combat» à mener. «Commençons par les combats qui ont le plus d’impact pour les Françaises», avait-elle ajouté.
Pour les défenseurs de l’écriture inclusive, celle-ci vise à mettre sur un pied d’égalité les femmes et les hommes. Cela peut se traduire de différentes manières comme l’accord au féminin (pour les métiers), les accords de majorité (écrire chères étudiantes lorsqu’elles sont majoritaires dans un cours), la double flexion (Mesdames et Messieurs) ou encore le point médian, « citoyen.e.s. »,
Selon Auphélie Ferreira, doctorante en Sciences du langage à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris, c’est surtout ce dernier point qui « cristallise le débat ». « Les mots autrice ou doctoresse existaient déjà au XVIIe siècle mais ont été supprimés par Richelieu et l’Académie française qui étaient machos. Ce qui a entraîné une masculinisation du français », explique l’experte, qui rappelle que le Général de Gaulle avait fait grincer des dents en disant « Françaises, Français ».
Selon la sociolinguiste, l’écriture inclusive est déjà utilisée, sans s’en rendre compte, par des millions de Français, notamment pour les accords de proximité. « D’ailleurs, la double flexion ne pose aucun problème pour les dyslexiques, ni l’usage des mots avocate ou doctoresse », rappelle-t-elle.
En revanche, une étude de Pascal Gygax, psycholinguiste, révélait que la masculinisation de la langue « induit des représentations mentales biaisées, favorables aux hommes ». Des enfants à qui l’on enseigne les métiers « d’avocat et d’infirmière » penseront que le premier s’adresse plutôt aux hommes et le second aux femmes. « C’est pourquoi les enfants ont besoin d’avoir du féminin car le masculin n’est pas neutre. Toutefois, à l’école, ces jeunes ont plus de difficulté de compréhension avec le point médian », note la spécialiste.
Auphélie Ferreira de conclure : « Finalement, c’est l’usage qui fera la langue. Les gens peuvent varier les utilisations selon leurs envies ».
Questions de compréhension:
Exercice 3: Les “begpackers”
“Les voyages forment la jeunesse.” Connaissez-vous cette expression? Les nouveaux modes de vie ont permis à de nombreux jeunes occidentaux de voyager autour du monde. Pour certains, voyager c’est sortir des sentiers battus et ne pas faire du tourisme classique. Connaissez-vous les begpackers?
Lisez l’article suivant (publié 07/04/2017) et répondez aux questions de compréhension.
Les “begpackers”, ces touristes blancs qui font la manche en Asie du Sud-Est
En Malaisie ou à Hong Kong, en Thaïlande ou à Singapour, des internautes des pays d’Asie du Sud-Est s’étonnent, images à l’appui, de voir émerger un nouveau phénomène dans leurs pays : des touristes blancs font la manche(1) dans les rues de leurs villes… afin de financer leur voyage. Certains jugent ce comportement étrange, mais d’autres s’indignent carrément de ce manque de respect.
Ils ont hérité du surnom de “begpackers” (un jeu de mot dérivé du terme “backpackers”, qui désigne les voyageurs avec de gros sac à dos, le verbe “to beg”, qui signifie “mendier” en anglais). Ces jeunes touristes occidentaux ont en général entrepris de longs voyages avec souvent un budget limité et se retrouvent incapables de poursuivre leur route. Et du coup, certains n’hésitent pas à jouer de la musique dans la rue ou à vendre des babioles pour financer la suite de leur voyage en Asie, autour du monde, ou leur billet de retour chez eux.
“Je voyage en Asie sans argent. Merci de soutenir mon voyage.” Photo prise à Hong Kong et postée par Rama Kulkarni sur le site gal-dem.
Et quelques mètres plus loin, un couple chante pour financer également son voyage.
“Ceux qui mendient sont vraiment dans le besoin, ils ne le font pas pour quelque chose considéré comme un luxe”
Ces jeunes gens ne semblent pourtant pas être dans le besoin : ils ont un appareil photo sophistiqué, un amplificateur… Une des raisons pour lesquelles la scène n’a pas manqué d’interpeller Maisarah Abu Samah, la jeune Singapourienne qui a pris ces photos :
J’ai été très étonnée, c’est la première fois que je vois ça. D’abord, chanter ou vendre des babioles(2) dans la rue est soumis à une réglementation très stricte à Singapour, ce qui rend la chose rare. Ensuite, on voit plutôt ces gens dans le centre-ville et pas dans la station de bus d’un quartier où vivent plutôt des classes moyenne, comme c’est le cas ici. Et puis surtout, je n’avais pas jamais vu des Blancs faire ça !
Pour nous, c’est très bizarre, on ne comprend pas qu’on puisse demander de l’argent aux autres pour voyager. Mendier n’est pas un acte très valorisant, ceux qui le font sont vraiment dans le besoin : c’est pour acheter de la nourriture, payer leur scolarité ou celle de leurs enfants, rembourser des dettes… Mais pas pour quelque chose qui est considéré comme un luxe !
Les voyageurs font aussi la manche sur la toile (3). Sur Internet s’est développé le phénomène du “travel porn”, une mode sur les réseaux sociaux, les blogs de voyage et les émissions télé dont le but est de faire rêver à des destinations du bout du monde. Dans cette tendance, les backpackers étaient en bonne place, se présentant comme les ennemis du tourisme de masse et des voyages organisés. Mais cette image d’aventuriers en quête de nouveaux horizons commence à se dégrader et laisse place à celle d’Occidentaux en mal d’authenticité, qui cherchent à voyager à moindre frais, quitte à passer pour des profiteurs.
“L’Asie est réduite à un lieu exotique où ce genre d’attitude est tout à fait admis”
Pour Luise, une jeune Malaisienne diplômée en économie politique et études de genre, ce comportement montre bien le déséquilibre qui existe toujours entre les pays occidentaux et les anciennes colonies asiatiques :
Pour moi, il y a une attitude orientaliste de la part de ces voyageurs qui considèrent l’Asie comme un lieu exotique et de découverte spirituelle. Cela réduit notre continent à une caricature, celle d’une terre mystique et d’un lieu d’aventures. Autrement dit, j’ai le sentiment que nous sommes un terrain de jeux pour les Blancs, où ce genre d’attitude est banalisée comme si elle devait faire partie de l’expérience, de la découverte de soi. Parfois j’ai envie de leur demander : qu’est-ce qui vous fait croire que ce genre de comportement est normal en Asie ? Pourquoi vous ne faites pas la même chose chez vous ?
“Si ces touristes n’avaient pas été blancs…”
Malheureusement, il y a toujours dans nos pays un comportement raciste et discriminant envers les personnes non blanches, tandis que les Blancs sont idolâtrés. C’est à mon sens un héritage colonial. Si ces touristes qui font la manche n’avaient pas été blancs, ils auraient eu droit à un tout autre traitement. Il n’y a qu’à voir comment on se comporte avec les migrants non-blancs ici, qui sont, eux, méprisés.
Dans une période où le débat sur l’immigration bat son plein, je trouve complètement fou que les gouvernements des pays occidentaux soient si stricts envers les étrangers, qu’ils exigent que les migrants puissent apporter une véritable “contribution à l’économie locale”, alors que leurs propres ressortissants peuvent voyager où ils veulent sans que l’on ait la moindre exigence économique à leur égard.
Ce nouveau phénomène du “begpacking” prouve pour moi que l’industrie du tourisme dans les pays du Sud est problématique : elle nourrit le mythe du “bon sauvage”, une personne non-blanche, gentille et bien intentionnée mais pauvre et ignorante qui ne cherche qu’à rendre service à l’homme blanc et l’accueillir comme il se doit dans son pays.
(1) faire la manche = mendier
(2) une babiole = un petit objet sans valeur
(3) la toile = net = internet
Questions de compréhension:
Exercice 4: La dé-exctinction
A l’heure où l’on se préoccupe de plus en plus des conséquences du réchauffement climatique et de la disparation d’espèces précieuses pour la planète, la possibilité de “ressusciter” des espèces disparues se profile. Mais est-ce vraiment une bonne idée?
Lisez l’article suivant et répondez aux questions de compréhension.
Ressusciter le mammouth laineux, le tigre de Tasmanie, le sympathique dodo, ou le pigeon voyageur : alors que l’on assiste aujourd’hui à une chute sans précédent de biodiversité, l’idée de ramener des espèces éteintes à la vie semble séduisante. D’autant plus que grâce aux progrès des technologies de clonage et d’édition génétiques, la « dé-extinction » semble aujourd’hui à portée de main. Mais si c’est techniquement possible, est-ce pour autant éthiquement souhaitable ?
L’humain est à l’origine d’une sixième extinction de masse : en 130.000 ans, plus de 2,5 millions d’espèces ont été rayées de la surface de la planète, dont 500.000 dans les seules 1.500 dernières années, selon une étude de 2018. Par culpabilité ou par curiosité, certains essayent de ressusciter certaines de ces espèces mythiques. Des scientifiques tentent depuis plusieurs années de « fabriquer » un génome de mammouth à partir de cellules prélevées sur des spécimens congelés, de cloner un cheval préhistorique ou encore de créer un ersatz d’ancien pigeon migrateur en trafiquant les gènes de pigeons actuels. Mais est-ce vraiment une bonne idée de vouloir ressusciter des animaux disparus ? Ces sept arguments permettent d’en douter.
Victime d’une chasse intensive, de la destruction de son habitat, d’une maladie ravageuse, ou d’un juteux trafic, les espèces disparues auraient bien du mal à ne pas subir à nouveau les assauts du monde tel qu’il est. On ne voit pas bien pourquoi nous réussirions à mieux les protéger qu’avant une fois revenus. En 1983, 21 lynx ont été réintroduits dans les Vosges ; ils ne seraient plus que deux aujourd’hui, victimes comme auparavant du trafic routier et du braconnage.
Le tigre de Bali, éteint en 1937, aurait sans doute bien du mal à se trouver une petite place sur son île d’origine. L’île est devenue un hub touristique mondial parsemé d’hôtels 4 étoiles, de résidences de luxe et de voitures, la population a été multipliée par deux en 50 ans et la forêt indonésienne a reculé de six millions d’hectares entre 2000 et 2012. Ce gros carnivore aurait également du mal à se nourrir, à moins de s’attaquer à un appétissant touriste en goguette. Il serait donc condamné à vivre dans un zoo ou une petite réserve. Son cousin, le tigre de Sumatra, est d’ailleurs lui aussi en grand danger d’extinction malgré les efforts entrepris pour le sauver.
L’introduction de nouvelles espèces dans un milieu est rarement une bonne nouvelle pour les animaux endémiques. Écureuil fauve, écrevisse de Louisiane ou grenouille Taureau : les espèces invasives menacent près d’un tiers des espèces terrestres actuelles et sont impliquées dans la moitié des extinctions connues. Ressusciter des animaux disparus comme le mythique dodo, exterminé à la fin du XVIIe siècle de l’île Maurice dont il était endémique, risque donc fort de se faire au détriment du pigeon rose ou du lézard vert, deux espèces indigènes déjà en grand danger sur l’île.
Animal disparu à la fin du XVIIe siècle et emblématique de l’île Maurice, le dodo peut-il revenir vivre sur ses anciennes terres ? © Daniel, Fotolia
Le programme d’insémination du rhinocéros blanc du Nord mené par le zoo de Dvůr Králové est ainsi évalué à neuf millions d’euros. Et encore, il ne s’agit là que de la recherche scientifique en amont ; il faut compter ensuite la réintroduction et la préservation de l’animal recréé. Une étude parue dans Nature Ecology & Evolution en 2017 évalue par exemple à 360.000 dollars le coût de réintroduction du méliphage de Chatham, un oiseau disparu de Nouvelle-Zélande, rien que pour la première année. On peut se demander si cet argent ne serait pas mieux employé à protéger les animaux encore vivants. D’après cette même étude, la préservation d’espèces éteintes nécessiterait trois à huit fois plus d’argent que pour des animaux existants.
Les animaux élevés en captivité ont de faibles taux de survie une fois lâchés dans la nature : élevés au contact des humains, ils n’ont pas bénéficié « d’éducation » à la vie sauvage de leur mère génétique. Par définition, le bébé d’une nouvelle espèce créée en laboratoire n’aura pas non plus de parents. Bien entendu, on pourra toujours tenter de glisser un petit lionceau des cavernes sorti d’une éprouvette dans les pattes d’une lionne africaine, mais même en imaginant que cette dernière daigne s’en occuper, on aura alors affaire à un lion des cavernes se comportant comme un lion normal. Peut-on encore appeler ça une nouvelle espèce ?
Questions de compréhension: